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5.
Allongé dans le canapé du grand salon, après le repas du soir… Louise, Théodore et Jacques regardaient la télévision.
J’avais la tête renversée, je regardais la lumière au plafond ; éclairage dichroïque. Je respirais par la bouche, entrouverte. Ca commençait à me brûler les yeux, mais je n’avais pas envie de bouger, je n’avais pas envie de faire quoi que ce soit d’autre que de fixer cette lumière. Ca brillait comme aurait brillé un ange.
Je tentais de sortir du noir et des coulures aux tons de sang des peintures d’Alphonse, me rassasier de lumière…
Je ne me suis jamais vraiment de nouveau approché d’Alphonse après la découverte de ses dessins. Le souvenirs qu’il m’en restait m’avait poursuivis pendant plusieurs jours, surtout pendant plusieurs nuits… Je me demandais franchement comment on pouvait vivre avec de telles images dans la tête, en permanence. Ces dessins reflétaient une atmosphère tellement suffocante, angoissante, aux couleurs noires, un environnement glauque mais d’une réalité effroyable.
Claquement de la porte, Madeleine est entrée dans la pièce, elle portait sur un petit plateau la tasse de thé du soir habituelle pour Louise. Elle le posa brusquement sur la petite table devant le fauteuil de Louise, et sans même la regarder, repartie. Une seconde avant sortir, elle se retourna vers Jacques, appuyant délicatement sa main sur le chambranle de la porte, le regarda avec quelque chose d’étrangement tendre dans le regard, puis elle tourna la tête vers moi, toujours à moitié avachi sur mon canapé. Son sourire se mua en un rictus, elle haussa les épaules et referma la porte derrière elle. J’entendis ses pas résonnés d’un claquement sec sur le parquet jusqu’au bout du couloir vers la cuisine, la lumière qui passait sous le jour de la porte s’éteignit.
Au cours du repas, qui pour une fois était plutôt détendu, je voyais que Jacques n’avait pas l’air au mieux de sa forme. Il ne mangeait presque rien et regardait fixement son assiette de soupe en faisant tourner sa cuillère dedans très lentement.
Madeleine arriva pour débarrasser les assiettes, faisant le tour de la table, elle tendis la main sans réellement faire attention vers la place de Jacques, s’attendant à se saisir de l’assiette sur la table, elle ne vit pas que celui-ci la lui tendait. Regardant au loin l’espace d’une seconde Madeleine renversa alors tout le contenu de l’assiette encore pleine sur Aimé assis à coté. Il se leva d’un coup, renversant sa chaise, en hurlant que la soupe était brûlante, alors que tout le monde se doutait que depuis le temps qu’elle avait été servis, elle ne devait guère plus l’être… Personne ne bougea, surpris par la fureur d’Aimé.
- Mais quel bande de con, franchement ! Y en a pas un pour rattraper l’autre, vous pouvez pas faire attention merde ! Mais regardez le l’autre là, même pas foutu de faire quoique ce soit, il trouve encore le moyen de faire des conneries !
- Ne lui parle pas comme ça s’il te plait ! cria Madeleine, tu lui doit autant de respect qu’aux autres !
- Je n’ai pas de respect pour une larve pareil ! rétorqua Aimé, criant de plus belle. Madeleine fondit en larme et parti en courant vers sa cuisine en répétant « sale con, sale con, sale con »… Aimé continuait de traiter Jacques de tous les noms. Ce dernier avait la tête baissée vers ses genoux, de ma place, j’étais le seul à pouvoir apercevoir deux larmes couler sur ses joues creuses…
Théodore se leva, frappa violemment sur la table :
- Aimé, ça suffit maintenant !
Aimé le regarda, incrédule, comme si personne n’avait à contester son avis. Son regard se transforma, avec un sourire mauvais il jeta à Théodore : Il a quelque chose à dire le ptit jeune ?
- Tu arrêtes maintenant, tu vas te changer et tu redescends, et tu te calmes. C’est compris ?
- …
- Tu as compris ce que je te dis Aimé ?
- Oui, ça va . Grogna-t-il. Il sorti en traînant les pieds jusqu’à l’escalier qu’il monta en frappant chacune des marches d’un pas lourd. Théodore était toujours debout, regardant vers le couloir. Quand le claquement de la porte de la chambre d’Aimé se fit entendre, il se rassit doucement.
Un silence pesant s’installa pour ne plus se lever. Seul Modeste, impassible, grignotait un morceau de pain en regardant par la fenêtre le jour qui mourrait doucement. Jacques ne pleurait plus, Madeleine avait retrouvé son calme et continuait de servir. Incident clos.
Plus que jamais Aimé avait pleinement montré son réel état d’esprit. Petit homme agressif, je n’aurais su dire si c’était là sa vrai nature, ou s’il continuait de se cacher, de se protéger derrière un comportement qui le rendait inaccessible aux autres. S’il restait cependant poli en temps normal, et même cordiale, ce n’était que du « social ».
Je trouvais encore étonnant que dans un lieu comme celui-ci, on puisse prendre la peine de se forcer à porter un masque. Mais c’était dans leur nature à chacun, de façon consciente ou non, ils continuaient de se cacher…
Pourtant, s’il était plutôt sympathique avec moi, je savais qu’Aimé restait assez désagréable avec les autres. Il avait l’air de prendre un malin plaisir à martyriser Jacques assez fréquemment, lui rendant la vie impossible.
Je l’avais vu plusieurs fois le bousculer d’un coup d’épaule volontairement au gré d’un couloir, prendre sa place délibérément à table, en tirant subitement sa chaise lorsque Théodore ne se trouvait pas à proximité, ou dans le salon, autre lieu de réunion où tous allaient regarder la télévision le soir, si bien que Jacques n’avait de répit que seul dans sa chambre. Jeune homme plutôt dépendant, de part son handicap physique, il sortait peu de la maison, et n’était quasiment jamais seul.
Je me demandais d’où pouvait venir cette attitude de la part d’Aimé. Quel besoin il pouvait avoir d’exercer sur quelqu’un une telle forme de supériorité . C’était sûrement, je pense, dû au silence de Jacques… N’importe qui d’autre serait aller gémir auprès de Théodore, mais lui non. Même s’il aurait pu écrire ou se faire comprendre, il avait trop peur pour oser faire quoi que ce soit.
J’avais par contre été beaucoup plus surpris par l’intervention de Madeleine ce soir-là. Elle qui était d’accoutumé tellement silencieuse et discrète… Elle devait bien savoir ce qu’Aimé faisait endurer à Jacques et sûrement elle devait vouloir faire quelque chose pour lui, le protéger en quelques sortes…
Un cri déchirant m’arracha à ma méditation. Tous se levèrent d’un bon, le cri venait de l’étage. Théodore se précipita, semblant savoir ce qui se passait, il courut et monta les marches de l’escalier quatre à quatre. J’entrepris de le suivre, devançant Louise qui ne savait quoi faire de sa tasse de thé. Jacques ne bougea même pas, comme s’il n’avait rien entendu, il regardait fixement la télévision.
Lorsque j’arrivais à l’étage, Modeste était appuyé les bras et les jambes croisés, le long du mur du couloir, sa silhouette se détachait de la fenêtre dans la faible luminosité bleutée de la nuit tombante. Il attendait je ne sais quoi, gentiment, devant la porte de la chambre d’Aimé.
A l’intérieur, je pouvais entendre ce dernier qui criait et qui pleurait en même temps, et Théodore qui tentait vainement de le calmer. Il criait qu’il avait vu passer un homme dans le couloir, brandissant un couteau, que cet homme allait entrer dans sa chambre pour l’emmener. Plus Théodore lui disait de se calmer, plus il criait fort. J’entendais dans la chambre d’à coté Alphonse qui ricanait de son rire méchant.
Je me sentais terriblement mal à l’aise, entre ces cris, ces rires mauvais, ces pleurs ou cette indifférence impassible… Les murs transpiraient l’angoisse, leur vieille couleur jaune défraîchi suggérait un grenier abandonné où traîneraient des rats qu’on entendrait courir la nuit.
Posant la main sur le mur, j’avançais doucement et avec prudence vers la chambre d’Aimé. J’entendais mes pas résonnés au rythme de ces cris, je respirais difficilement. Je devais avoir les yeux écarquillés. J’ai fini par passé la porte. Une chaleur suffocant m’assaillis, Aimé ne me vit même pas. Il était recroquevillé le long du mur en face de la porte, la tête entre les genoux, les bras autour des jambes. Théodore était accroupis à coté de lui, il tentait de poser sa main sur son épaule, mais à chaque fois qu’il l’effleurait, Aimé hurlait de plus belle… Théodore tourna la tête vers moi, et m’ordonna sévèrement d’aller prévenir Madeleine, qu’il fallait appeler l’hôpital, « Il fait une crise, dépêche-toi ».
Je redescendis sans demander mon reste, quelque peu soulagé de quitter l’étage.
Madeleine rangeait sa cuisine, elle ne semblait pas avoir remarqué elle non plus les cris…
- Aimé fait une crise…
- Ah.
- …
- …
- Il faudrait peut être que vous fassiez quelque chose ? Je lui dis, un peu désarmé.
- Que voulez vous que je fasse ? Me répondit-elle en haussant les épaules.
- Il ne faut pas prévenir l’hôpital ?
- Si, si, j’y vais.
Je la regardais s’éloigner vers le bureau de Théodore, traînant les pieds… D’une voix impassible elle signala qu’on avait besoin d’un ambulance pour emmener quelqu’un. Elle revint de la même façon en traînant des pieds, et recommença à essuyer la vaisselle, comme si elle ne m’avait pas vu. Je suis remonté pour prévenir Théodore que l’ambulance arrivait. Il me remercia et d’un geste me fit comprendre qu’il valait mieux que je le laisse. Modeste n’avait pas bougé, il observait de son coin, les bras toujours croisés. Alphonse ne faisait plus de bruit…
Aimé lui, continuait de sangloter assez bruyamment. Théodore semblait avoir cessé d’essayer de le réconforter, je l’entendais qui tournait en rond dans la pièce, ses pas sur le parquet venaient frappés les murs, coupant le silence entre les sanglots d’Aimé, à coups de couteaux. Je pouvais presque entendre la respiration de Modeste dans le couloir.
Une vingtaine de minute plus tard environ, le ronflement d’un moteur se fit entendre, Théodore se précipita à la rencontre de l’infirmier, qui était déjà dans l’entrée. Je l’entendis très vaguement parlé de crise d’angoisse, mais je distinguais mal les mots, Aimé ayant recommencé ses hurlements.
Ils sont entrés dans la chambre sans un mot, j’étais sortis dans le couloir, Modeste, lui s’était éclipsé silencieusement, comme il savait si bien le faire.
Aimé se débattait assez violemment, ils eurent quelques peines à le transporter jusqu’à l’ambulance. Quand l’infirmier claqua la portière, le silence était redevenu complet dans la maison. Je m’étais déplacé jusqu’à la fenêtre du couloir, et je regardais le véhicule s’éloigner dans la nuit, songeant à cette homme qu’on emmenait pour le « soigner », pour lui donner un nouveau sursis… Aimé était le plus âgé de la maison, Madeleine mise à part. Il devait avoir dans les quarante-cinq ans, peut-être moins, peut-être plus, je ne savais pas vraiment Ses cheveux grisonnaient déjà pas mal, il portait de petites lunettes rondes qui lui conféraient au premier abord un air plutôt calme et posé. Il pouvait aussi paraître distant, pourtant il ne supportait pas de rester seul pendant un long moment, et il avait absolument besoin de la présence de quelqu’un à ses cotés, même de loin…
Dans la bibliothèque, il prenait toujours ses livres dans le même rayon, que je n’avais jamais approché d’ailleurs, je n’avais donc pas la moindre idée de quel ordre pouvait être ses lectures… Je voyais cependant que personne d’autre n’allait prendre d’ouvrage dans ce coin-là, comme si cela lui était réservé…
J’avais été étonné à mon arrivée de constater à quel point la bibliothèque avait une place importante ici. Les entrées et les sortis dans cette pièce rythmaient de façon assez précise la journée. Alphonse venait s’y poser après le petit déjeuner et n’en bougeait presque pas, puis chacun venait piocher à tour de rôle, à son heure. A les fréquenter chacun séparément, je n’aurais pas pensé qu’ils puissent passer tant de temps à lire… Mais que pouvaient-ils bien faire d’autre, si ce n’est regarder la télévision ou dormir ?
L’ambulance venait de passer derrière le haut d’une colline, le rouge des phares mangé par le noir de la nuit. On allait sûrement administrer des calmants à Aimé, le faire dormir, revoir un traitement ou je ne sais quoi encore, j’ignorais ce genre de choses… Après, il reviendra ici, il attendra, comme tous, comme moi, que le temps passe.
Arriver à ce stade où ce qui était un besoin ne l’est plus, où ce qui pouvait plaire devient un poids à traîner pour lequel on a pas envie de se relever, certains jours… J’avais juste envie de fermer les yeux et d’oublier… Les poings serrés dans mes poches, plus envie de les brandir, plus envie de frapper dans le vent pour se faire un chemin. Compter les jours sans même plus savoir vers quoi on compte. Le temps passe, simplement. Vouloir faire défiler les années pour pouvoir s’en reposer un peu, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’encre. Qu’est-ce que je pouvais bien tenter de faire quand il ne restait à ma bouche que de l’amertume d’avoir poussé un soupir de trop, et des mots blessants à jeter sur cette vie laissée là, juste derrière moi, dans mon dos, qui me collait à la peau comme par un après midi un peu trop chaud ? Je ne pouvais pas concevoir ça comme une vérité et forcément, mon sang se met à bouillir pour que le retour au froid soit plus glacial… J'ai le bras qui tremble, il suffirait d'un mot, j'ai la vie qui tremble, il suffirait d'un nom. J'ai regardé le ciel hier à la recherche de ton regard, l'odeur du tabac froid me retourne l'estomac et tout ça, c'est moi qui l'ai voulu… Tant de petites choses qui ne valent plus rien mais le regard de ces petites mains, ces toutes petites mains d'enfants sur le bleu nuit de l'instant.
J’ai senti ma gorge se serrer, une petite trace de buée autour de ma main posée sur la vitre, je la laisse doucement descendre et la peau gémit d’un petit grincement contre le verre.
J’ai fait demi tour vers ma chambre, Théodore montait à ce moment, il me regarda avec de grands yeux,
- Ca va Geoffroy ?
- Oui, oui, répondis-je, surpris.
- Tu devrais aller te reposer, il est tard maintenant. T’as vraiment l’air crevé…
- J’y allais, merci… Je voulais juste te demander…
- Oui ?
- Des crises comme celle-là, il en fait souvent Aimé ?
- Souvent… Non, mais disons qu’il y a des circonstances. En réalité c’était plutôt prévisible qu’il en fasse une ce soir… C’est de ma faute, j’aurais du prévoir…
- Je ne sais pas si c’est de faute, je n’y connais rien, mais vu la tension qui régnait ce soir, je ne trouve pas ça si étonnant finalement… Mais c’est une crise de quoi exactement, enfin dû à quoi ?
- Eh bien, c’est une sorte de crise d’angoisse qu’il fait quand il se retrouve seul, bien qu’il affiche souvent un comportement assez désagréable avec les autres, il ne supporte pas de rester tout seul, qui plus est dans le noir… Il est agressif parce qu’il a peur finalement. Ca remonte à assez loin dans son enfance. Il a subit un grave choc psychologique quand sa grande sœur a disparue.
C’était un soir où leurs parents étaient sortis, ils avaient confié la maison et la garde du petit à sa sœur donc, elle devait avoir dans les seize ou dix-sept ans je crois.
A ce qu’Aimé a bien voulu raconté, ils étaient tous les deux tranquillement en train de regardé la télévision quand le chien s’est mis à aboyer dans le jardin.. Comme il ne s’arrêtait pas, sa sœur est sortie, déjà un peu inquiète. Il aurait alors entendu des cris, vu passer devant la fenêtre un homme brandissant un couteau, image qu’il voit souvent lorsqu’il fait des crises.
Je pense qu’il voit souvent ce type de personnage, passer devant une ouverture, dans un couloir, à un degré d’hallucination tellement fort que l’image lui paraît littéralement réelle. Bref. Il a entendu sa sœur crier, il a couru dans sa chambre et n’en a plus bougé jusqu’au retour de ses parents, qui l’ont retrouvé glissé sous le lit. Apparemment ils ont eu beaucoup de mal à l’en faire sortir. Ils n’ont vu aucune trace d’effraction ni de violence, le portail était simplement ouvert, le chien enfuit, et la porte d’entrée non fermée à clef… La police à brièvement interrogé les voisins, qui auraient entendu quelques cris vers onze heures, mais personne n’a cherché d’où cela pouvait provenir. C’était un quartier jeune où les fêtes étaient fréquente, avec ce que ça implique comme bruit. C’était donc plutôt banale d’entendre des gens crier…
- Et la sœur ?
- Jamais retrouvée.
- Plutôt sordide comme histoire… C’est quand même dingue… dans son jardin…
- Il était tard…On ne fait jamais assez attention, murmura Théodore en baissant doucement la voix. Il tourna son regard vers la fenêtre et fixa un instant les étoiles. Son visage à moitié immergé dans le noir de la nuit semblait avait l’allure d’un tableau profondément sombre et triste.
- Et Aimé, qu’est-ce qu’il c’est passé pour lui après ?
- Il a mis beaucoup de temps à s’en remettre, si on peut dire qu’il s’en est remit ! Il n’a pas parlé pendant plusieurs mois, il restait totalement buté et coupé du monde extérieur. Je crois que ses parents on fait le maximum pour le faire sortir de ce mutisme. Ca a été très long et difficile. Une dure épreuve pour eux. C’est plutôt admirable d’ailleurs, d’avoir réussi à arriver à cela. Ils auraient pu le mettre dans un centre ou même directement en hôpital, mais ils ont refusé, de peur de perdre leur deuxième enfant je pense. Il n’a pas fait d’étude plus que ça, peut être un peu de secondaire, un an tout au plus. Je ne crois pas qu’il ai jamais travailler. Son comportement agressif a été la phase qui a suivi son replis sur lui-même. Ca n’est pas ce qu’on aurait pu espérer de mieux, mais c’était déjà un exploit d’en arriver à là. Il a continué à vivre avec ses parents, jusqu’à leur mort, il y a une dizaine d’années je crois. Ensuite il a fait diverses hôpitaux avant d’arriver ici.
- C’est triste quelque part de se dire que au finale, il n’y rien à faire pour soigne ces gens, qu’ils passeront de toute façon leur vie ici…
- C’est pas faux, mais nous on fait ce qu’on peut pour tenter quand même de les soigner, même si effectivement il y a peu de chances que ces gens soient réinsérer dans la vie active… Ce n’est qu’un leurre finalement… Enfin, ici ils ne sont pas malheureux non plus, du moins je l’espère…
- Je ne pense qu’ils se posent réellement la question, fis-je en souriant.
- Je ne sais pas…enfin ! Geoffroy, je vais aller me coucher, je suis fatigué moi aussi.
- Bien sûr. Bonne nuit.
- Merci, de même… A demain.
- A demain.
Il marcha sans un bruit jusqu’à sa chambre dont il ferma la porte dans un petit claquement sec. Au bout de quelques secondes seulement, je vis la lumière disparaître sous le jour de la porte.
Une semaine s’était passée lorsque Aimé revint à la maison basse. Il avait maigri, son teint était pâle. Il retrouva rapidement ses habitudes quotidiennes et en peu de temps, tout redevint comme s’il ne s’était rien produit. Son attitude envers Jacques n’avait pas évoluée, ni même envers les autres.
Moi pendant ce temps, j’avais lu son dossier en entier, ainsi que celui d’Alphonse. Rien de bien transcendant à l’intérieur, surtout des résultats de tests qui ne me disait rien, parce que je ne pouvais les interpréter. Je ne tenais pas plus que cela à en demander l’explication dans le détail à Théodore, il avait du travail, et je ne voulais pas non plus que des questions trop poussées puissent paraître suspectes.
J’avais en effets l’intention d’en savoir un peu plus sur cette histoire du vieux médecin, peut être mort de sa belle mort, peut être pas… J’avais essayer de commencer à prendre des notes pendant cette semaines d’absence d’Aimé, avoir une organisation un peu plus poussée. J’avais aussi essayer vainement de poser des questions à ce sujet aux autres occupants de la maison basse, et plus particulièrement à Louise. Tout ce qu’elle cru m’apprendre, je le savait plus ou moins déjà. Elle, de son point de vue, voyait surtout que le bonhomme en question semblait être unanimement mal-aimé ici, mais pas au point d’être assassiné.
Si Louise n’était pas là par hasard, et qu’elle était bien un folle à part entière, je crois qu’elle ne réalisait pas la violence et la haine que renfermait certaine personnes de son entourage.
Je tentais par élimination de voir qui aurait pu commettre un tel acte, mais il n’y avait pas de mobile valable, pour aucun d’eux… Encore aurait-il fallu que je connaisse dans le détail le nature des rapport qu’ils pouvaient tous entretenir avec ce médecin, et si ces gens avaient réellement besoin d’un motif pour agir de la sorte…
En y repensant, il m’est arrivé de ne pas dormir de toute la nuit parfois, me demandant si je ne risquais pas de faire de faux pas qui aurait pu provoquer la colère des uns ou des autres…
Je me décidais à en discuter avec Madeleine.
Cendrillon fée du logis se trouvait dans la bibliothèque. Pas pour y chercher des contes d’enfants, elle faisait simplement les poussières… Je m’assis sans faire trop de bruit, un livre entre les mains, près de la fenêtre au le soleil. Elle me jeta un regard oblique auquel je répondis pas un grand sourire, elle rentra ses griffes et sourit aussi.
- Comment allez vous Madeleine aujourd’hui ?
- Bien, merci, Geoffroy… Chanta-t-elle d’un ton enjoué. Sherlock Holmes du coup désarçonné ne su que répondre…
- Auriez-vous quelque chose de précis à me demander jeune homme ? Dit-elle, sans se départir de son sourire…
- Eh bien je vais être direct… Ca fait quelque temps que je m’intéresse à la question, et je me demandais si vous auriez quelque chose à m’apprendre sur la question de la mort du prédécesseur de Théodore…
- Depuis quelques temps effectivement…Vous vous y intéressé, ça je le vois bien… Si je peux vous apprendre quelque chose, Geoffroy, ce sera un conseil. Un très bon conseil.
- Lequel ? Dis-je sur un ton exagérément innocent…Elle se redressa et fit mine de plier son chiffon avec l’application d’une petite fille, et sans relever les yeux chuchota :
- Vous ne devriez pas trop traîner votre nez dans ces histoires-là… vraiment pas.